Direction l’Espagne une nouvelle fois, cette fois-ci pour l’histoire d’une appellation dont vous avez certainement déjà entendu parlé !
Que ce soit le cas ou non, vous allez en apprendre plus dans cet article…
(Un paysage viticole haut en couleur ! source : https://www.lonelyplanet.com/)
Le commencement…
La vigne a été introduite dans la région par les Phéniciens puis reprise par les Carthaginois et les Romains.
La Rioja a un long passé derrière elle, plus de deux mille ans d’histoire lui permettant d’accéder à l’excellence qu’elle connaît actuellement.
C’est de nombreux vestiges archéologiques comme des pressoirs ou encore des emplacements de cave datant de l’époque romaine, qui ont mis les archéologues et les historiens sur la piste. À ce stade, le doute n’est plus possible, la culture était présente durant cette période où des cépages comme le Tempranillo brillait déjà.
Au Moyen-Âge, les vignes sont sous la responsabilité de plusieurs monastères. L’un d’eux, San Millán de la Cogolla, fit l’éloge des vins de la Rioja par le biais d’un poète : Gonzalo de Berceo (1196 - 1264). Son œuvre est d’autant plus inestimable puisqu’il fut le premier poète identifié en langue espagnole, et son texte justement, traita du vin en sujet principal.
On ressent alors l’intérêt qu’avait le vin à cette époque, la viticulture était par ailleurs l’activité agricole la plus importante de la région avec la culture céréalière.
C’est à partir de cette période (fin du XIIIe siècle) que les premières exportations hors de la région voient le jour : la viticulture devient commerciale. L’absence de réglementations provoque des débuts difficiles et il faut très vite repenser les échanges. La Rioja profita justement de sa modeste renommée pour augmenter la production, bien au-delà des besoins locaux. Des vins de qualités moindres sont mis sur le marché, ce qui terni l’image d’une région avec un potentiel ô combien exceptionnel.
Mais ce n’est qu’à la Renaissance que le vignoble s’organise pour renverser la tendance. Sous l’impulsion des viticulteurs de Logroño, un premier label de qualité est créé au XVIe siècle…
(San Millán de la Cogolla. Source : https://www.guiarepsol.com/es/)
XVIIe - XIXe siècle : À la recherche de la perfection
La route du succès est longue et semée d’embûches : la Rioja devient une région en monoculture, la vigne ayant pris la place des cultures céréalières et bien d’autres… Les conséquences sont nombreuses : crises de surproduction, mévente, disparition des cultures vivrières et de l’élevage. Tout cela aggrave encore les périodes de crises.
Même si certains textes sont remplis de louanges concernant les vins produits dans la région, la plupart des avis sont plutôt négatifs et les méfaits de cette monoculture se font également ressentir. La majorité des écrits dénonce la médiocrité des vins, le manque de savoir-faire et de moyens techniques.
L’année 1787 est pourtant marquée par la création de la Real Junta de Cosecheros (Conseil royal de cultivateurs de raisins). Son but est d’améliorer la qualité des vins et favoriser le commerce de la région. Encore une fois, cela ne suffit pas à redresser le vignoble…
Les élites éclairées du Siècle des Lumières, organisées en Sociedades de Amigos del País, cherchent alors des solutions pour mettre fin à cette situation. Ils constatent que les vins de Bordeaux connaissent un réel succès et veulent s’en inspirer.
Ce sont les Marquis de Murrieta et de Riscal qui voyagèrent, au début du XIXe siècle, pour se former auprès des vignerons de Bordeaux. Plusieurs détails les frappèrent dans cette “méthode bordelaise” :
Vendange quand les raisins sont mûrs et non à la même date chaque année comme ce fut le cas dans la Rioja
Tri du raisin pour sélectionner seulement le meilleur
Remplissage des cuves en une seule journée pour une fermentation plus homogène
Diverses techniques de vinifications (ouillages, soutirages, clarification,…)
À leur retour, ils appliquèrent ce qu’il avait appris et, sans surprise, ce fut un triomphe!
Par la suite, c’est toute la Rioja qui “profite” d’un événement qui se déroule hors des frontières : l’attaque du vignoble français par le Phylloxéra (1863). L’expatriation de certains vignerons français suite à l’attaque contribuera à la recherche de perfection de la Rioja. Se déplaçant plus dans le sud, les vignerons coopèrent et échangent avec les locaux sur les différentes techniques, notamment la fameuse “méthode bordelaise” (avec des notions d’assemblage, d’élevage, de gestion des fûts,…). De plus, certains vignerons français ont même créé leurs propres domaines sur le territoire de la Rioja pour continuer à faire du vin.
C’est ainsi que toute l’appellation s’inspira du succès de la région Bordelaise, en ajoutant tous ces petits détails, et développa très vite sa notoriété.
Néanmoins, tout cela a un coût important car il fallait disposer de locaux vastes pour y stocker plusieurs récoltes (les nouvelles ainsi que celles déjà en élevage) : les “Bodegas” naissent. Elles représentent l’équivalent de nos Chais et sont dimensionnellement impressionnantes !
(La Bodega Ysios, une merveille architecturale que l’on pourrait qualifier… d’atypique !)
XIXe - Aujourd’hui : Un parcours sinueux
De 1870 à 1890, la Rioja connaît ce que l’on peut qualifier d’Âge d’Or ! Les vignerons happés par le succès, augmentent les prix et les volumes de production. Mais ils sombrent rapidement dans la facilité et élaborent des vins plus industrialisés et sans âmes, moins qualitatifs.
Comme une impression de déjà-vu…
Dans les années 1890, le Phylloxera atteint finalement la région et dévaste de la même manière le vignoble. Bien évidemment, ce n’est qu’une question de temps avant que l’appellation ne décide de replanter avec des porte-greffes, une solution déjà approuvée en France. Le vignoble mettra du temps à se rétablir, les vignerons français retournent pour la plupart dans leurs pays d’origine puisque le vignoble de France se reconstitue également.
Durant cette réorganisation de l’appellation, plusieurs dates sont à retenir :
En 1902, c’est un édit royal qui détermine une origine officielle des vins de Rioja.
En 1926 est créé un “Consejo Regulador” pour délimiter officiellement la zone viticole, délivrer une garantie du vin et contrôler l'usage de l'appellation "Rioja".
La Première Guerre Mondiale (1914-1918), la Guerre Civile Espagnole (1936-1939) ainsi que la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945) ont, en outre, impacté la reconstruction de l’appellation.
Les trois guerres et le Phylloxera ont engendré une exode rural, les vignes sont désertés. Les Bodegas profitent de cette situation pour asseoir leur domination sur le vignoble de la Rioja en reprenant pour des bouchées de pain ce qui avait été abandonné… face à des vignerons impuissants.
Quelques décennies plus tard, la Rioja revit grâce à son millésime 1970 qui est encore vu aujourd’hui comme l’un des plus fabuleux. Depuis, les vins de Rioja figurent parmi les meilleurs d’Espagne. Les années d’innovation et de modernisation sont récompensées dès 1991, la Rioja obtient la Denominacion de Origen Calificada, une qualification supérieure…